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A bient​ô​t de tes nouvelles​.​.​.

by La Compagnie

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1.
Je vins au monde en 1913, juste un an avant la guerre. J’avais juste 13 mois quand mon père fut mobilisé, il tomba un des premiers, victime de cette guerre meurtrière.
2.
ORDRE DE MOBILISATION GENERALE Par décret du Président de la république la mobilisation des armées de terre et de mer est ordonnée ainsi que la réquisition des animaux voitures et harnais nécessaires au complément de ces armées. Le premier jour de la mobilisation est le dimanche deux Août 1914. Tout Français soumis aux obligations militaires doit, sous peine d'être puni avec toute la rigueur des lois, obéir aux prescriptions du fascicule de mobilisation (pages coloriées placées dans son livret). Sont visés par le présent ordre tous les hommes non présents sous les drapeaux et appartenant 1° à l'armée de terre y compris les troupes coloniales et les hommes des services auxiliaires 2° à l'armée de mer y compris les inscrits maritimes et les armuriers de la marine Les autorités civiles et militaires sont responsables de l'exécution du présent décret. Le Ministre de la Guerre -Le Ministre de la Marine
3.
21 Aout 1914 (...) Un aéroplane français est descendu à environ 100 mètres au-dessus de nous et les 2 officiers qui le montaient ont agité ensemble leurs képis. On voyait qu’ils apportaient à Verdun de bonnes nouvelles de la bataille. Je n’ai pas reçu de lettres aujourd’hui mais j’ai l’espoir d’en avoir tantôt. 1er Septembre 1914 Toujours dans les tranchées. Bombardement et incendie d’un petit village à 4km d’ici par les Allemands. Alertes et coups de feu fréquents par les sentinelles. Je prends la garde de 11h1⁄2 à 12h1⁄2 du soir. Tout cela est bien triste, la nuit. 3 Septembre 1914 (...) Les 10 et 11 Septembre 1914 Je suis de garde à la poudrière de Sauville. Cela me repose un peu. (…) Mais que c’est dur d’être éloigné de ses trésors ! Le 14 Septembre 1914 Nous retournons à Marceau, bien heureux de nous délasser un peu. Nous étions si sales ! (...) 17 Septembre 1914 (…) Encore et toujours ESPOIR ! C’est toute ma vie qui est dans ces mots, après vous, mes chers trésors. 19 Septembre 1914 (…) J’ai dû assister à l’exécution d’un déserteur mais j’ai eu le grand bonheur de ne pas verser le sang. (…) Je crois que je m’en souviendrai toute ma vie (qui sera peut-être bien courte) mais il est vrai que je dois vivre dans l’espoir. Ce serait si triste de partir sans vous embrasser une dernière fois. Tu vois, mon ange, j’ai des idées noires aujourd’hui. Pardonne- moi, dis. (…) La force morale a des limites, je m’en suis déjà aperçu. Nous remontons à Marceau par un très vilain temps. Que je suis triste ! Le 26 Septembre 1914 Rien de nouveau. (...) 28 Septembre 1914 (…) Tes lettres me donnent confiance, ma bien aimée. (...) Le 29 Septembre 1914 (...) Le 30 Septembre 1914 Jusque midi, travail aux tranchées. Je me sers de la pioche. (...) 3 Octobre 1914 (…) Je viens de regarder vos chères photos et en moi-même, je vous dis ADIEU ! 7 Octobre 1914 (…) Quelle nuit épouvantable ! Nous sommes transis ! Plus amples détails plus tard. Le temps me manque... 8 Octobre 1914 Toujours en première ligne. Je découvre des tombes allemandes, des fusils, des casques, des sacs, des quarts, des musettes, des capotes, toutes les choses appartenant à leur équipement. Ce qui m’attriste aussi, c’est que je vois, au milieu de tout ce déluge, 3 bibles protestantes. Il doit y en avoir beaucoup de notre religion ! (…) Que c’est épouvantable ! (…) A plus tard, plus de détails...si je puis le faire. 11 Octobre 1914 (…) Pendant cette longue journée d’attente, je suis continuellement avec vous...mais par la pensée seulement... (...) Le 12 Octobre 1914 (...) 14 Octobre 1914 Nous allons occuper un petit village (Painville à 20km de Verdun), à quelques centaines de mètres des tranchées allemandes. Vers 4h de l’après-midi, la 10ème compagnie reçoit l’ordre d’attaquer. Nous avons environ 70 blessés et 16 morts dont 2 qui ont fait partie de mes camarades, 2 bons amis ! Mon camarade Mazière a reçu une balle dans la cuisse mais ce n’est pas grave. (...) 21 Octobre 1914 Nous passons la nuit dans des tranchées. Que cette nuit est froide ! Je suis de garde avec mon ami Garnier à la 2ème heure de faction. Nous entendons de nombreux coups de feu. Plusieurs balles passent au-dessus de nos têtes. Malgré le brouillard qui tombe, nous restons continuellement couchés dans l’herbe mouillée. (…) Je ne trouve plus de mots pour t’exprimer mon état d’âme. (...) 23 Octobre 1914 (…) Je me demande maintenant, à peu près chaque jour si nous pourrons faire ensemble le réveillon, si nous serons réunis pour Noël ! Quel joli Noël ce serait, (...) 26 Octobre 1914 Le matin et l’après-midi, encore des tranchées. Le soir, nous prenons la garde (mon escouade seulement) dans les tranchées en avant de Douaumont. La faction n’est pas trop pénible (2h en tout la nuit). Nous pouvons dormir tant bien que mal dans une tranchée couverte seulement, elle est si étroite que l’on ne peut s’allonger. On dort accroupi mais nous sommes à l’abri. Le lendemain matin, repos. Le 29 Octobre 1914 Le matin, je repasse la visite à Marceau. A ce qu’il paraît, j’ai besoin de repos. (...) 7 Novembre 1914 Je reçois le colis de Jeannette. (...) Il contient 2 paires de chaussettes bien chaudes. Elle a même pris les précautions de renforcer les talons. Je vais avoir bien chaud aux pieds avec, 2 paquets de chocolat fondant, 1 cache-col en laine qu’elle a tricoté et il est bien chaud, 1 bonne paire de gants fourrés, 6 pierres à briquet, 2 paquets de tabac à 0,50, 1 cahier de papier à cigarettes, des cachous, 1 bon paquet de pastilles Valda qui me fait grand plaisir. Je tousse de plus en plus depuis quelques jours et principalement la nuit. (...) 10 Novembre 1914 J’ai bien toussé cette nuit, ma chérie. J’ai bien mal à la gorge aussi je vais aller voir le Major. J’en reviens. Il m’a dit de me tenir bien au chaud, de ne pas sortir de la chambre, (...)Toujours sans lettre (...). Que cela est dur ! (...) 18 Novembre 1914 Me voilà au milieu de mes camarades. Ils étaient bien heureux de me revoir et moi aussi (...). En ce moment, c’est le paradis, ici au 29ème. Espérons que cela continuera mais... Pour la première journée, je vais la passer au bois, faire des stères de bois de chauffage, travail peu pénible mais le soir, je suis bien fatigué quand même. Je me sens plus faible que je ne le pensais. Beaucoup de baisers à mes adorés. Le 20 Novembre 1914 Toujours le même travail au même endroit. Quel changement ! Quelle vie calme ! Plus d’obus ni de balles. (...) Le 23 Novembre 1914 Journée identique aux précédentes. (...) 1er Décembre 1914 Encore un mois qui vient de s’écouler loin de vous, mes 2 trésors. C’est le 4ème. Que nous réserve le 5ème ? (...) 5 Décembre 1914 (…) Je n’ai presque pas dormi de la nuit. J’étais si heureux ! Je reçois un colis de Jeannette ce soir. 8 Décembre 1914 (…) Je reçois aujourd’hui le traitement contre la typhoïde. Je l’ai reçu de la maison Lumière. Je commence à le suivre demain matin. Une chance de plus de nous revoir (...) Le 11 Décembre 1914 (…) Toujours sans nouvelles de toi, mon cher ange. Quel supplice ! Et dire que tu souffres autant que moi ! (...) Le 12 Décembre 1914 Travail identique aux jours précédents. Rien de neuf. Un paquet de Jeannette qui me fait bien plaisir. Je reçois presque chaque jour de leurs chères nouvelles. C’est un soulagement à ma souffrance. 23 Décembre 1914 (...) Si malheur m’arrivait, vous sachant en sécurité, ce serait pour moi une petite consolation. Mais si malheur vous était arrivé, (...), autant mourir de suite utilement que de mourir ensuite de chagrin. (…) A cela, je pense souvent ! Enfin, ne voyons pas tout en noir ! Heureusement que l’espoir est toujours là ! (...) 27 Décembre 1914 Travail au bois de Souville. (…) En rentrant le soir, nous apprenons que dans 1 jour ou 2, nous allons remettre sac à dos mais personne ne sait dans quelle direction. Espérons que la chance continuera à me favoriser. Que ce serait épouvantable, (...) si je devais vous laisser seules dans la vie. Je ne pense qu’à vous (...)! Mille et mille gros baisers. J’y mets toute mon âme. Espérons toujours. 1er Janvier 1915 Quelle triste journée pour nous, mon adorée ! Que je suis triste ! Autant que toi sans doute, car tu dois être malheureuse encore plus ce jour que les précédents. Souhaitons du plus profond de notre cœur que cette terrible guerre prendra bientôt fin, que nous nous retrouverons bientôt, tous unis et en bonne santé, c’est le plus beau vœu que je puisse faire, mon cher ange ! Tu causeras souvent à notre petite Edith adorée de son papa qui l’aime de tout son cœur, dis mon cher ange ? Tu l’embrasseras très fort et très souvent pour moi en attendant que je puisse le faire moi-même. Mais quand cette joie immense me sera-t-elle permise ?
4.
Ma chère petite Irène, J’ai reçu ta dernière lettre datée du 27 Octobre le 20 Novembre. Depuis je t’ai envoyé plusieurs et plusieurs lettres. Toutes sont restées sans réponse. Découragé, j’ai cessé d’écrire. Aujourd’hui 25 Novembre, je veux tenter un nouvel effort. Tout d’abord, laisse-moi te dire ma chérie que je suis en bonne santé. Je suis encore intact. J’ai passé jusque maintenant à travers les balles, les obus et aussi les maladies. Je te le répète ma mignonne, ton Eugène chéri se porte à merveille. Comme tu peux voir, j’ai dessiné sur la première page une modeste pensée. Cette petite fleur résume tout l’amour de ton petit mari pour sa petite femme. C’est le témoignage de toute l’affection, de tous les tendres sentiments que tu m’as inspirés. Recevras-tu ma lettre, je l’espère ! Comme je serais heureux de pouvoir te lire, de te savoir en bonne santé, toi et ta mère. De savoir que tu ne souffres pas, que tu n’as pas à subir les mauvais traitements des Allemands, voilà ce que je désirerais. Il y a encore bien des difficultés à surmonter avant la fin de cette campagne maudite qui nous a cruellement arraché l’un à l’autre. Néanmoins, mon Irène bien-aimée, j’espère te revoir et surtout recevoir une lettre de toi si tu peux. Je ne puis t’en dire davantage sur mon amour. Tu n’as pas besoin de preuves. Tu me connais ; il y a longtemps que tu as pu m’apprécier et tu sais combien je t’aime ; tu connais la force de mon amour. Quoiqu’il arrive, tu seras toujours ma femme chérie. Pour moi, tu es celle que j’aimerais toute ma vie. Je trouve superflu de t’en dire davantage. Bien des choses à Maman pour moi. Dis lui que je l’embrasse bien fort et que je ne l’oublie pas. Pour toi les meilleurs et les plus tendres baisers de celui qui pense à toi et qui ne vit que pour toi. Eugène VARLET (Inutile de vous dire que je suis complètement dépourvu d’argent et de sous-vêtements)
5.
Le mari de ma tante Pauline tomba malade. Comme il tenait un hôtel restaurant, il avait engagé pour lui venir en aide un commis, Michel. Mon oncle Camille, se voyant mourir, appela son commis et lui dit, vu l'avance des allemands, de jeter ses deux fusils qui lui venaient de son père dans la rivière qui était proche de chez nous. Le commis prit les deux fusils, les enveloppa dans un linge et les enterra dans une pâture derrière chez nous. Mon oncle mourut. Comme il l'avait prévu, les allemands arrivèrent et mirent leurs chevaux dans la pâture, et le va et vient et le piétinement des chevaux remirent les fusils à la vue des allemands. Après une minutieuse enquête, comme mon oncle était décédé, sa femme, ma tante Pauline, fut en état d'arrestation et ils la condamnèrent aux travaux forcés à perpétuité.
6.
Le 8/2/1915 Cher Paul, Votre lettre m'a bien fait plaisir. Je suis heureux de voir qu'Henri est en bonne voie de guérison. J'ai reçu de lui des cartes qui me prouvent que chez lui le moral est absolument intact. Il faut espérer qu'il pourra rester au repos encore un certain temps et que par là même beaucoup de misères lui seront épargnées. Il a fait sa part et je souhaite que la guerre se termine avant qu'il soit en état de retourner au front. Je l'aurais rencontré s'il n'avait pas été blessé car actuellement mon bataillon flanque à gauche le 73e qui avec tout le 1er, le 2e corps et d'autres encore attaque furieusement un point de la ligne allemande. J'ai causé avec Arthur GODEFROY il y a quelque jours. Henri a eu de la veine de n'avoir pas eu à faire ce combat qui à l'heure qu'il où j'écris n'est pas terminé. La préparation d'artillerie a été formidable. Les batteries lancent chacune 1200 obus par jour et le nombre de canons participants à l'attaque dépassant les 400 vous entendrez le chahut. Réussirons-nous ?! Il s'agit d'enlever un niveau de voies ferrées très important. Laurence m'a écrit ce matin que Bouvigny continuait d'être bombardé. Que voulez-vous, il faut en prendre son parti et voir cela d'un œil indifférent. Comme vous le dites, après la guerre tout le monde devra travailler pour vivre et on ne trouvera plus ça dur du tout, la guerre aura été une rude leçon. On m'assure que notre but serait d'en finir tout de suite avec la Turquie, de donner ensuite à l'Autriche une bonne raclée qui la mettrait hors de combat et d'attaquer ensuite l'Allemagne par le sud. Nous n'aurons pas ainsi à démolir toutes les villes et villages Français et Belges pour les reprendre. Nous aurions à retenir sur nous le plus grand nombre d'Allemands possible pour permettre la réalisation de ce plan. Ça vient d'un officier d’État Major. Enfin ce qu'il importe c'est d'en finir au plus tôt. Je vous remercie beaucoup d'avoir prié pour moi à Lourdes, nous avons tous besoin de protection par le temps qui court. Il fallait la guerre pour nous faire sentir combien nous sommes petits. Ici les plus orgueilleux courbent la tête. Veuillez dire bonjour pour moi à Henri quand vous lui écrirez, et souhaitez bonne santé et bon courage à Léontine. Je vous embrasse Maurice GOUY
7.
Le 28 Aout 1914 Chers parents, Des tranchées, pendant un peu de calme. J’espère pouvoir finir ces quelques mots. Vous avez peut-être reçu mes petits mots précédents, ces jours nous avons beaucoup de boulot, de tombes, et vous avez si j’en suis revenu c’est bien de la chance. Nous avons été un peu trop téméraires. Nous sommes partis à 1500m baillonette au canon, aidés du 125. Sans presque tirer, nous nous sommes jetés sur les tranchées formidables occupées par l’infanterie de la garde bavaroise. Une batterie d’artillerie qui nous tirait à 1500m et le village d’Erbviller. C’était effrayant. Pensez si la mitraille et les balles nous décimaient. Mon pauvre commandant est tombé dès le début dans mes bras traversé de part en part au cœur. Je crois qu’il en réchappera cependant. (...) Deux de mes fourriers sont tués. C’est vous dire que nous sommes revenus 3 sur 6. C’est terrible, vous ne pouvez évidemment en douter. Il faut y être rien ne peut dépeindre ces scènes. Tous ces hommes sont tombés, un râle, des cris et la nuit nous crions puis à 10h le soir nous tirions dessus. Les prussiens nous criaient « France amis » et nous recevaient en salve. Ils ont réussi à remonter une mitrailleuse dans le clocher et nous mitraillaient dans l’obscurité. Nous avons sonné la marche du Régiment pour nous rassembler ; eux aussi la sonnaient, trop lourd. Nous avons évacué le village car nous ne pouvions plus nous battre dans ce noir, aussitôt ils arrosent l’intérieur de l’église de pétrole et bientôt tout flambait. Le lendemain matin, nous avons recommencé. Notre artillerie en a tué 1500. Le bois est jonché de morceaux de cadavres, des tranchées entières de prussiens sont tous morts au tir. Dans la position, c’est effrayant. Nous les enterrons dans la chaux. (...) les blessés nous disaient qu’ils ne craignent pas nos fusils mais avec nos canons : « tous kaput ». ils sont très bien équipés et habillés. J’ai un superbe manteau bavarois que je porte. J’espère pouvoir le rapporter. Il sera peut-être moins propre. A Remenviler, mon colonel a été descendu, aussi pas mal de nos officiers. J’ai pris un manteau d’un bavarois tout neuf très chic. Si j’en reviens, on en fera un pyjama. J’ai pu le glisser dans ma cantine étant plus tranquille depuis deux jours, quoique sous les canons. Ils n’en ont pas remis sur nos tranchées, mais d’une seconde à l’autre on attend l’obus. Nous n’aurons pas peur, on ne pense pas aux innombrables camarades tués ou blessés. On voit tout cela qui nous entoure. On n’y pense pas, ça nous laisse indifférent. (…) Le plus dur, c’est le cri des blessés. « Chez moi » disent-ils. Ne vous faites pas plus de mauvais sang. Nous rions comme vous. Voyez que je suis affranchi. Je ne peux pas être tué. Je prends d’ailleurs toute précaution tout en faisant entièrement mon devoir, c’est une fatalité. Ce qu’il faut dire, c’est qu’ils sont très forts, mais que nous serons vainqueurs quand même. Voilà 8 jours que nous couchons dehors, mais nous restons forts et vigoureux. Avec ma brigade (114 T 125), nous allons être repliés ces jours car nous avons fourni un trop gros effort. C’est vous dire que nous serons moins exposés et peut-être, la guerre va-t-elle se terminer ? Certains blessés allemands se croient à Paris, d’autres à Bayonne. On leur raconte que nous les achevons, les officiers les forcent à tuer femmes et enfants. Nous disions rien aux blessés, les pauvres sont aussi tristes que nous. (...) Mille baisers à ma petite Marguerite, mon petit Quique et Momome Papa et Maman, je vous embrasse Emilien
8.
Avis de recherche Monsieur Juteau Godefroy, Expert-géomêtre à Pornichet, (Loire inférieure) France, demande des renseignements sur son fils qui a été signalé disparu au combat du 2 au 10 mai 1915 à Loos ( Pas-de-Calais) : Emilien Juteau Sous Lieutenant au 114 ème Régiment d'Infanterie 3ème Compagnie 4ème Bataillon Taille 1m72 Blond Fort âge 29 ans Monsieur Juteau serait reconnaissant à qui pourrait lui sommer.
9.
Le 26 Mai 1915 Cher Monsieur, C’est avec la plus profonde tristesse que je réponds à votre lettre du 22 Mai, me demandant des renseignements sur votre fils. Le sous-lieutenant Juteau que je connaissais particulièrement, parce qu’il avait été longtemps mon secrétaire comme adjudant, puis qui était resté notre camarade comme porte-drapeau, le sous-lieutenant Juteau, dis-je, était un brave cœur et un homme courageux. Les termes de la lettre qu’il vous écrivait et que vous avez bien voulu me reproduire montrent qu’il était décidé à passer. A la tête de sa section, montrant l’exemple, il s’est bravement lancé à l’assaut dès qu’il en a reçu l’ordre et est tombé aussitôt, en avant de ses hommes, la face vers l’ennemi. C’était un brave ! Si la manière dont il est mort peut être une consolation pour vous, mon cher Monsieur, et pour sa femme et ses enfants, je suis heureux de vous la faire connaître. Malheureusement, je suis père de famille et je sais qu’il y a d’autres contingences ans compter l’affection d’une famille. Je vous prie donc de croire à la part que je prends à votre peine. Nous avons demandé pour lui une citation à l’ordre de l’armée. J’espère que nous la recevrons d’ici peu et serai heureux de vous en faire part. Encore une fois, Monsieur, veuillez accepter l’expression de mes condoléances les plus vives et mes regrets de n’avoir pu vous donner le moindre espoir. Capitaine Ménard Adjoint au Colonel 114ème Régiment d’Infanterie
10.
9ème Corps d'Armée 17ème Division 34ème Brigade 114ème Régiment d'Infanterie Bureau de comptabilité Avis de Décès Monsieur le Maire, J'ai l'honneur de vous demander de bien vouloir avec tous les ménagements nécessaires dans la circonstance, prévenir Madame Juteau Emilien à Pornichet ( Loire Inférieure ) de la mort du Sous Lieutenant Juteau Emilien du 114ème Régiment d'Infanterie, tombé au Champ d'Honneur le 10 mai 1915 au combat de Loos ( Pas-de-Calais). Je serai très obligé de présenter à la famille les condoléances de Monsieur le Ministre de la Guerre et de me faire connaître la date à laquelle votre mission aura été accomplie. Veuillez agréer, Monsieur le Maire, l'assurance de mes sentiments les plus distingués. Parthenay, le 1er juin 1915 Le Chef du Bureau de Comptabilité 114ème Régiment d'Infanterie.
11.
Le 1er Juin 1915 Monsieur, Répondant à votre désir d’avoir des renseignements sur le sort de mon pauvre camarade le lieutenant Juteau, je me hâte de vous les donner. Comme il vous l’avait dit dans la lettre qu’il a écrite la veille de la bataille du 9, nous avons été engagés à fond. Juteau s’est lancé bravement à l’assaut des tranchées allemandes, mais il n’est pas arrivé jusqu’à elles, il a été touché mortellement par une balle de mitrailleuse allemande, et il est tombé d’un coup, il n’a plus bougé, et il n’a pas dû souffrir. Avec vous, nous pleurons la disparition de notre pauvre camarade, et tous, nous faisons le vœu de le venger. Je prends bien part à votre douleur et à celle de Madame Juteau, ainsi qu’à celle de la dame de mon ami. D’autant plus que je sais que Madame Juteau a été dernièrement bien malade, et je crains que cette lettre ne soit lue par elle avant de l’être par vous. (Néanmoins, cette lettre) pourrait peu à peu l’amener à comprendre l’irréparable malheur qui la frappe, elle et ses deux petits enfants. Je joins à ma lettre une petite photographie de notre ami qu’un camarade a prise dans la tranchée. Pour savoir l’endroit où repose le corps de votre pauvre fils, je ne peux rien vous dire, car écrasés de toutes parts dans les tranchées allemandes que nous avions conquises, nous avons dû les évacuer et le corps de Juteau a dû être enterré par les allemands, car il se trouvait tout près de leurs ouvrages. Je termine en vous priant de bien vouloir agréer mes civilités les plus empressées. Lieutenant Ecary 3ème Compagnie du 114ème Régiment d’Infanterie (...)
12.
Puis un jour, le député-maire SORIAUX fit appel à Maman et Marie HUGOT, et leur a demandé de cacher un soldat Anglais, puis de chercher un vêtement civil et de le mettre à sa taille pour ne pas le faire trop remarquer. Dans les ourlets, Maman avait mis les adresses des participants à son évasion mais, manque de chance, ce soldat se fit arrêter et les Allemands trouvèrent les adresses dans les ourlets. Ce qui fit qu’une quarantaine de personnes furent arrêtées pour un réseau d’évasion. Au tribunal, M. SORIAUX dit que c'était lui le responsable et qu'il avait obligé les autres personnes à l'aider. Maman resta plus de deux mois en prison.
13.
Bruay le 28 juin 1916 Chère Léontine Je trouve enfin un moment pour vous écrire tout de même vous êtes pour croire que je vous oublie mais le temps me manque beaucoup car il y a deux officiers qui loge chez nous dans la petite place. J'ai du descendre le lit du grenier et il y en a un qui couche par terre sur un lit de tranchées qu'ils emportant partout. Je crois qu'il va bientôt se passer quelque chose de nouveau car Bruay se rempli d'Anglais et d' écossais. Je fais la cuisine aux officiers matin et midi et le thé à 4 heures ils m'ont bien défendu de laisser toucher quelque chose à l'ordonnance il ne relave même pas la vaisselle juger si j'ai du travail. A part cela vivement que ça avance la guerre car je crois que tout le monde dans Bruay est obligé de se dévoué tant qu'au laisser passer que vous me dites le lendemain de votre départ l'on est venu au renseignement me demander si je ne savais pas si vous aviez étais à Bouvigny et d'où venait votre laisser passer enfin un tas de questions que je ne puis expliquer sur du papier mais je suis toujours tenu ferme en disant que j'ignorais où vous alliez vous promener il n'y a que votre départ pour Derchin que j'ai dit que vous l'aviez dit c'est très sévère en ce moment. J'espère qu'Henri est aussi à bon port et qu'il restera le plus longtemps possible au dépôt nous étions déjà bien habitué avec lui j'ai eu gros cœur de le voir partir. Tant qu'à son vélo ne vous tourmentez pas il est dans votre chambre accroché au mur il est en sûreté car il ne montera pas d'Anglais en haut je suis plus tranquille en bas et votre feuille d'allocation vous êtes rejetée je suis allée de nouveau trouver le percepteur avec votre feuille c'est écrit tellement petit que je ne l'avais pas vu alors il m'ont demandé si je ne savais pas lire et qu'il ne savais pas pourquoi enfin je vous mets vos portraits dans votre lettre et je me permets d'en conserver un il y en a un grand c'est pour Henri votre fils... Je vous joins celui de René ils sont très bien réussis vous êtes mieux que ceux de Nantes On arrête beaucoup d'espions à Bruay. Nous vous embrassons tous de loin ainsi que Jules Irma
14.
Lourdes, 22 Février 1915 Chers Parents Je vais maintenant m'installer à Lourdes mais je suis à peine remis de ma surprise je regarde bien souvent par la fenêtre pour voir si c'est bien vrai. Le temps est détestable il pleut comme je n'ai jamais vu pleuvoir dans le Nord mais je vois assez quand même pour me convaincre que je suis bien à Lourdes. Je ne compte pas aller voir la grotte cette semaine mais je ne quitterai certainement pas la ville sans y aller. Demain j'aurai le droit de me lever sans appuyer sur mon pied bien entendu mais ce n'est pas la plus grande difficulté. Je ne sais pas si l'on peut sortir facilement de l'établissement, si c'est comme à Montauban ou aussi difficile mais j'y arriverai quand même. Pour les lettres qui m'arrivent à la compagnie j'ai écrit à Jean qu'il me les fasse parvenir demain, j'écrirai peut-être aussi à mon capitaine bien que je ne l'estime guère, c'est un excellent catholique qui chantait tous les soirs, mais comme capitaine, il ne vaut pas grand chose, fait embêtant au cantonnement, il a au feu une frousse honteuse tous ses hommes le méprisent et je ne suis pas éloigné de penser comme eux, comme c'est la risée de la 9e. Il se tient si loin à l'abri des balles qu'il est le seul du bataillon qui n'ait pas encore été blessé. Mais je serais si pressé de vous raconter mes voyages depuis St Didier, je vais commencer aujourd'hui. [...] Tous les jours il y a exercice ou marche, c'est aussi là qu'on nous vaccine une première fois contre la fièvre typhoïde. [...] C'est très beau mais la pluie tombe, justement le soir où nous arrivions il pleuvait aussi, le lendemain on fait disparaître quelques armements pour avoir plus de combustible, on recouvre le haut d'une épaisse corniche de terre et la pluie peut tomber. Le matin on va encore à l'exercice, l'après-midi on coupe des rondins de bois destinés aux premières lignes. Entre temps on vaccine une seconde fois contre la fièvre typhoïde. C'est pendant ce séjour dans les abris que je suis nommé aspirant et que je quitte la 9e pour la 11e. Je continuerai demain. Je vous embrasse de toutes mes forces et je prie Notre Dame de Lourdes à toutes mes intentions. H. Mayeur
15.
Bouvigny le 1er Septembre 1915 Cher Henri Père grièvement blessé fais ton possible pour venir le voir Je t'embrasse bien fort L.Dupuich Bouvigny le 2 Septembre 1915 Cher Henri Je suis obligé de t'apprendre la terrible nouvelle Père n'y est plus il a été broyée d'un obu mardi dernier en cours de route on a eu la consolation d'avoir un service par le prêtre du numéro 10 il a même adressé quelques paroles à l'église comme il était toujours prêt tu le sais à rendre service et consoler tout le monde C'est un grand malheur d'avoir un pareil tour au moins si tu y étais encore me voilà seul aura tu la chance d'avoir une petite permission pour nous revoir le plus tôt possible il n'y avait plus qu'une meule de blé à faire on devait la faire mercredi Cela ce n'est absolument rien ni les moissons non plus on n'y pensais même pas. Constant Mahée a fait un beau Adieu sur le cimetière à un moment pareil il y avait beaucoup de monde je sais chez Julien dis moi ce que je sais faire ici toute seule hélas si tu étais là pour conduire les chevaux prendre quelqu'un c'est assez difficile juge à ta mode vendre les chevaux on trouverais facilement et le reste... Consolons nous et prions pour lui il est sans doute mieux que nous quel malheur pour lui et pour nous il avait encore communié au 15 il avait encore promis de le faire le 8 septembre mais cela n'a pas été vrai allons tout le monde nous souhaite beaucoup de courage en attendant de te revoir bientôt Dans ces tristes nouvelles je t'embrasse bien fort encore plus que jamais. L. Dupuich
16.
Bacqueville, le 27 juin 1915 Madame, Monsieur, C'est encore nous qui avons recours à votre obligeance, nous voudrions bien s'il vous était possible, de nous acheter, soit croix ou couronne en perles blanches, pas très grande, car la croix de ce pauvre Henri n'est pas très solide. Nous vous envoyons donc 15 centimes. Mais je vous assure Madame et Monsieur faites pour le mieux ; ce que vous ferez sera bien. Si quelque fois elle vous coutait plus vous voudrez bien nous le dire, de suite nous vous enverrons la différence, s'il en était autrement ne renvoyez pas, gardez-le pour l'entretien de la tombe de ce cher enfant. Nous voudrions bien que ce soit fait pour le 15 juillet, car c'est la St Henri, et le 17 l'anniversaire de sa naissance, il aurait eu 22 ans. Le temps nous semble bien long pour aller chercher ses restes qui nous sont si chers, mais malheureusement, cette terrible guerre ne se termine pas vite. Vous devez toujours entendre le canon car ce doit être toujours terrible dans votre contrée. Nous espérons toujours avoir la satisfaction de recevoir Monsieur votre fils, qui nous le pensons est en bonne voie de guérison. D.FRESSART
17.
Bacqueville 30 Décembre 1915 Chère Madame, Je viens ainsi que mon mari et ma fille, vous adresser, en même temps qu'à Monsieur votre fils nos meilleurs souhaits pour l'année 1916. Les meilleurs souhaits sont, n'est-il pas vrai, la fin de cette terrible guerre ? Car vous, comme nous, nous avons, je crois, largement payé notre tribu. Espérons donc des jours meilleurs : Que vous puissiez retourner chez vous et nous, aller vous y rejoindre, pour enlever les restes si chers de notre pauvre Henri. Souhaitons que ce jour soit proche pour tous. Je joins à ma lettre une petite carte que vous voudrez bien faire parvenir à Monsieur votre fils, ne sachant plus son adresse. Recevez, Chère Madame Nos meilleures amitiés D.Fressard
18.
Village de Meurthe-et-Moselle, Samedi 15 mai 1915 Chère mère, Je fais réponse à ton aimable lettre qui m'a fait bien plaisir. Depuis 4 jours après 18 jours de tranchées nous courrons de village en village où allons nous ?? Toujours des villages détruits c'est effrayant. Les obus toujours sillonnent l'espace. Nous menons à chaque instant toujours une vie incertaine c'est la mort à chaque pas et à chaque seconde qui nous guette tu n'en doutes pas je l'espère. Tout n'est pas rose chère mère. Mais j'en ai tellement vu dans ma vie vois-tu que je suis toujours dans un moral tranquille et je fais des vœux pour que tout finisse le plus tôt possible. Tous les jours et nuits je vais par champs et chemins je suis toujours en route et je vais partout. Chercher la soupe la nuit, à l'eau dans des villages qui sont toujours bombardés par les Boches les obus tombent près mais que veux-tu l'on s'y habitue. Le courage ne me manque pas et si je dois mourir je mourrai c'est la destinée quelle est- elle ?? Hélas à la grâce de Dieu. Tous les champs sont de véritables cimetières. Ce matin je suis allé rendre visite à l' église du village. Quel spectacle voûtes crevées en partie, orgues démolis, troncs et coffres éventrés, les cloches disparues, clocher tenant par un miracle d'équilibre. Tout à la sacristie pèle mêle un véritable prestige du passage des pillants. Allons si tu peux m'envoyer de temps en temps un colis fait le comme tu pourras et surtout solide, bien emballé car cela est nécessaire. Adieu je vous embrasse tendrement tous tous mes chers parents. Ton fils qui t'embrasse Gaston
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Puis les autorités décidèrent de déclarer les veuves et les orphelins. Aussitôt ma mère rassembla quelques vêtements pour ma cousine et marraine Hermance, puis nous partîmes pour la gare en direction de la Belgique. Sur le quai, on nous vola notre baluchon contenant nos vêtements.
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La nuit vient sur la terre et dans ce cœur qui souffre : La planète penchée entraine dans le gouffre Ses continents, ses mers tour à tour assombris. Par endroits, au travers de cette ombre profonde, Vacillent des lueurs : Moscow, Londres, Paris, Pâles feux allumés dans le camp du vieux monde. En vain le pavé crie et tremble : ma clameur Que poussent, dans la nuit, les villes embrumées, N’est plus, à quelques pieds dans l’air qu’une rumeur Qui se mêle, indistincte, aux dernières fumées. Des nuages, là-haut, naviguent dans les cieux ; Le vent qui les pourchasse et déchire leurs voiles Laisse voir, dans un fond d’abîme, les étoiles... Que tes regards sont froids, azur silencieux ! Frères, embrassons-nous dans la peine : ce geste Est l’unique douceur, le seul bien qui nous reste. Pour que la vie encore ait un sens, que chacun Dépose sa rancune, en le malheur commun. Si notre sort est tel, que même l’espérance En un monde meilleur soit un rêve perdu, Du moins, pour expier tout le sang répandu, élevons un suprême autel à la Souffrance ! La Nuit vient sur la Terre... François Porché
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CHAMPAGNEY (HAUTE SAÔNE près de BELFORT) 11 mars 1916 Ma Chère Marthe Bien chers enfants, Cher Clément A ma grande satisfaction me voici enfin au repos pour un moment. Je suis arrivé ici hier matin après un trajet en chemin de fer de 16 heures. Comme le voyage s'est effectué la nuit, je n'ai pu voir tous les beaux paysages traversés car la campagne y est magnifique. La chose qui me console le plus c'est que j'ai pu me tirer de bonnes conditions de la plus terrible bataille de cette maudite guerre. Maintenant, je puis me dire vrai combattant car j'y ai vu les choses les plus atroces et enduré les misères et les privations les plus dures. Ici je ne puis vous résumer tout cela, d'ailleurs je ne saurais par quel bout commencer et ensuite ce serait trop long. Au début de la bataille, le 20 au soir, mon caporal étant tombé malade, je me suis mis à la tête de l'escouade et le 23 au soir, quand nous battions en retraite, sur 12 hommes, nous ne restions plus que 3 malheureux, épuisés. Il faut vous dire aussi que le ravitaillement étant impossible, nous somme restés à combattre jour et nuit par une gelée terrible et de la neige, sans le moindre morceau de pain ni la plus petite goutte d'eau ; et dire que malgré tout cela il nous a fallu un courage de lion pour maintenir pendant trois jours entiers ces masses de boches ivres d'alcool et d'éther. Nos pertes subies ont été cruelles et il en a été de même de tous les régiments de la division. C'est le 243ème qui est revenu le plus nombreux avec le 1⁄4 de son effectif. Par là vous pouvez juger un peu le gigantesque massacre qui a eu lieu durant Verdun. Des boches, je n'en causerai pas beaucoup car c'est par dizaines de milliers qu'ils payèrent de leur peau leur entêtement d'avoir Verdun. Maintenant la partie est jouée. En face du fort de Douaumont le mont de boches tués est effrayant. Dans le seule journée du 21 où ils firent 5 assauts en rangs serrés, le 75 et les mitrailleuses y firent des ravages épouvantables en écrasant au moins 15 000 boches. Quelle sinistre vue que ces champs de bataille, surtout en rase campagne comme nous étions. Quantité de cadavres étaient droits, c'est vous dire s'il y en avait de tombés à la même place. Enfin j'arrête mon macabre récit car j'ai bon espoir que les permissions reprendront alors là je pourrai vous faire le récit en entier. J'ai bien reçu votre dernière lettre avec celle de Delpire Léon et vos bonnes nouvelles m'ont bien fait plaisir surtout que j'ai reçu un bon de 5 francs de Jean cela m'a fait du bien car il faut vous avouer que, avec mes deux survivants, j'ai bien arrosé ma sortie du combat afin d'oublier un peu tous ces cauchemars. J'espère que vous avez reçu ma lettre de Domremy (Vosges) et que sous peu je pourrai vous donner mes petits souvenirs achetés dans la maison de Jeanne d'Arc. Vous ferez tous mes compliments aux amis et leur direz que j'ai passé par une belle porte. Louis Clabaut est revenu aussi comme moi, il a su passer au milieu des balles et de la mitraille. Tant qu'à Julien Trublin j'ai eu la chance de le rencontrer à Verdun qui partait là-haut nous remplacer mais il n'a pas été bien longtemps, le 2ème jour étant bien touché à la jambe. Toutes mes amitiés à M.Jean et dites lui que les boches n'auront pas Verdun. Avez-vous reçu mes lettres das lesquelles je vous apprend que j'ai tout perdu mon fourbi, actuellement nous attendons (sac, lampe, bidon etc. etc.). Bien gros baisers à vous tous et surtout à mes petits enfants, toutes mes amitiés chez Merlier, Demol, Lemaitre. Celui qui vous aime et qui a bien souvent pensé à vous. Cyrille
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Aufs Feld der Ehre/Schlacht Aufs Feld der Ehre/Schlacht, sprenkeln die Mohnblumen Reihenweise zwischen den Kreuzen; Und am Himmel, die ermüdeten Lerchen Verbinden ihr Gesang mit den pfeifenden Haubitzen. Wir sind Leichen. Noch gestern erlebten wir glühendes Tagesbruch und Sonnenuntergang Noch gestern liebten wir und wurden geliebt, Doch nun, ruhen wir Am Feld der Schlacht. Ernüchternd Jungend, deine Zeit ist gekommen Das Fählein zu tragen, Und in der Tiefe deiner Seele, Die Ansicht für Freiheit zu nähren. Wir schlafen nicht, auch wenn die Mohnblumen Aufs Feld der Schlacht sprenkeln.
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Dans l’intervalle, le frère de mon père, mon parrain, disparut avec son régiment de zouaves. Puis un Allemand fut assassiné derrière la gare, aussitôt une vaste opération de recherche des otages. Mon grand-père fut arrêté et fusillé avec d’autres, puis la soeur de mon grand-père paternel perdit son petit garçon de 10 mois, puis son mari tué à la guerre. Une autre soeur de mon grand-père perdit son homme de 26 ans, docteur BEZU Oswald. Je mets les noms car la famille était nombreuse.
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Lille, 20 / 4 / 20 Cher Monsieur le curé, Le secrétaire du commandant Von Breitenbuck est venu me trouver un matin à l'église, vers 8 heures, me priant ou plutôt m'enjoignant de me rendre à l'usine Beghin, à 9h, pour « consoler un prisonnier ». J'étais à l'usine, à l'heure. A la vue d'un peloton de nombreux sapons massés dans un coin de la cour, d'officiers et de gendarmes qui s'y promenaient mystérieux, j'eus l'impression que j'étais convoqué pour une exécution. Je demande au commandant qui arrive où est le prisonnier. « Un moment ! » fut sa réponse. Quelques instants après, il m'invite à monter. J'entre avec lui ; dans le bureau. Un juif du nom de Weil nous suit. Le commandant d'un geste me montre le jeune Victor Lesage : « M. le Curé, me dit- il, voilà votre prisonnier et c'est la mort ! ». Je priele commandant et son acolyte de me laisser avec Victor. Seul avec lui, je lui demande s'il a compris ce que vient de dire le commandant. « Oui, me répond-il, ils vont me tuer !... M. le curé ; faites venir ma mère avant qu'ils me tuent ». Confesse-toi d'abord puis j'irai prier le commandant de laisser venir ta mère.... Sa confession entendue, j'expose au commandant le désir de Victor et j'essuie un refus net. Nous voilà en route pour le lieu de l'exécution. Le peloton nous précède ; quatre gendarmes et un trésorier nous entourent. Pendant le trajet, le pauvre petit me confie qu'il a en tort de renverser l'allemand qui l'avait frappé, d'un coup d'épaule. Je le rassure en lui disant que ce qu'il a fait n'est rien, mais qu'eux, les allemands, sont des criminels. Nous sommes derrière l'usine, près du garage de la locomotive, à cinquante mètres du Bois, on bande les yeux de Victor. Le peloton se met en position de tir. Les officiers s'éloignent. Un sous- officier commande le tir. Victor tombe, frappé de cinq balles. Honteux de leur crime, les allemands ont hâte d'en finir. Ils veulent enterrer le pauvre enfant dans la forêt. Le cercueil est prêt. Je proteste. M'adressant au commandant, je lui déclare que mon ministère n'est pas terminé, qu'il doit s'achever au cimetière, par un enterrement religieux. Le commandant veut bien faire droit à mon exigence, à condition que je réponde de l'ordre et que je ne perde pas de temps. Vers 11h, un gros chariot arrive qui porte le corps de Victor. Je l'ai précédé jusqu'au cimetière, revêtu de l'étole noire. L'inhumation eut lieu devant deux personnes d'Ostricourt qui en furent les seuls témoins. Le général qui était alors à Wimereux ne s'appelait pas Von Arwin, comme l'on dit les journaux, mais Von Harmin. J'ai indiqué plus haut les noms du commandant en place et du juge. Recevez, mon cher curé, le meilleur de mon cordial souvenir. M. ???? Curé 122 rue d'Arras Lille St Michel
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Le 25 Décembre 1916, Ma très chère Irène, C’est aujourd’hui Noël ! Bientôt une nouvelle année va s’ouvrir. Je ne voudrais pas perdre l’occasion qui m’est offerte, de te présenter et mes meilleurs souhaits et mes vœux les plus chers pour l’année 1917 ! Voici le 3ème Noël que je vois loin de toi, loin de ceux que j’aime. Deux années et demie se sont écoulées sans un baiser de ta bouche aimée. C’est bien triste de vivre ainsi, séparé de la femme que l’on adore ; loin de ma Jeannette chérie que je serais si heureux d’embrasser. J’espère que l’année 1917 sera plus clémente. L’année nouvelle sera, j’en suis certain, celle qui nous rendra à tous le bonheur perdu. 1917 nous apportera la paix tant attendue. Enfin, nous aurons l’immense joie, de revoir ceux dont nous déplorons l’absence. Sois toujours bien courageuse ma chérie ; aies de la patience jusqu’au bout de l’épreuve. Je sais bien que cette affreuse guerre n’a que trop duré déjà. Trop de malheureux ont versé leurs sangs ; trop de mères pleurent la mort de leurs enfants ; de nombreuses veuves restent inconsolables dans la perte de leurs maris ! Et pourtant, la fin de cette affreuse guerre est proche. Le jour n’est pas très éloigné, où je pourrai de nouveau te dire combien je t’aime et combien mon amour est profond ! Recevras-tu ma lettre cette fois ! J’ose l’espérer ! De mon côté, je serais heureux de te lire. Je t’avoue que je suis très ennuyé de ne point recevoir tes correspondances. Je ne suis qu’à demi rassuré ! Serais-tu malade ma mignonne ? Notre Jeannette ne serait-elle pas encore guérie ? Rassure-moi, je t’en prie ! Ecris-moi vite, je puis tout apprendre ; ne me laisse pas plus longtemps dans l’ignorance. Songe que la dernière lettre carte reçue de toi est datée du 23 Septembre ! Néanmoins, j’ose croire que ce retard apporté dans tes correspondances ne durera pas. Bientôt, je l’espère, j’aurai le plaisir de te lire. (Ma cousine Agnès est toujours en bonne santé ainsi que toute ma famille,) CENSURE (présenter leurs souhaits et leurs vœux les plus chers ! ... du renouvellement de l’année pour vous donner un nouveau témoignage de leur affection. Ils se recommandent à moi et envoient à leur chère fille leurs vœux les plus sincères. Ils n’oublient pas la petite Jeanne, ni Maman Copin, ni ta bonne marraine. A bientôt de tes nouvelles.) Bons baisers à tous. Ton Eugène qui t’embrasse bien tendrement. Eugène Varlet
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LA SEMAINE MILITAIRE DU 5 AU 12 AVRIL 1917 Une grande victoire de l'armée britannique a marqué cette période. Le front que nos alliés occupaient se divisait, d'une manière générale, en deux parties : d'Ypres à Arras, et d'Arras à la jonction avec l'armée française vers Saint-Quentin. La retraite allemande de l'Ancre avait réveillé la guerre de mouvement au sud d'Arras. Mais entre Arras et Ypres se poursuivait, sans incidents notables, la guerre de tranchées et de coups de main. Or c'est dans cette dernière partie du front, dans le secteur entre Arras et Lens, que nos alliés, prenant subitement l'offensive le 9, ont une fois de plus fait sentir durement leur supériorité à l'armée allemande. En deux jours de combats d'une violence extrême, et où les Canadiens se distinguèrent tout particulièrement, l'armée britannique enlevait à l'ennemi une bande de pays de 3 à 7 kilomètres de profondeur sur 22 kilomètres de front, entre Givenchy-en-Gohelle et Hénin-sur-Cojeul ; des positions très importantes s'y trouvent enclavées, telles la fameuse falaise couronnée par la crête de Vimy, défendue par des travaux formidables et qui domine toute la plaine de Lens. En même temps, d'autres actions se déroulaient entre le Cojeul et l'ouest de Saint-Quentin et permettaient à nos alliés de réaliser des progrès intéressants en direction de Cambrai. Au 10, la victoire de nos alliés coûtait déjà aux Allemands 11.000 prisonniers, 100 canons, 60 mortiers, 165 mitrailleuses ; les pertes en tués et blessés étaient immenses... et la bataille n'était pas finie. Le 11, voit se continuer la série de ces brillants succès. Le Front de nos alliés se trouve ce jour-là porté en dehors d'une ligne Farbus, Fampoux, Monchy-le-Preux ; en direction de Cambrai ils ont atteint le nord du Village de Louverval. Les Allemands, dont les tranchées bordaient, il y a quelques jours, les faubourgs d'Arras, en sont maintenant éloignés de plus de 8 kilomètres. La brillante victoire que nous venons de signaler n'a pas fait oublier à nos alliés la nécessité de poursuivre les opérations qui ont pour but direct : Saint-Quentin. Sur le front français, des progrès notables ont été encore réalisés en direction de Saint-Quentin. Nos armées opèrent sur un terrain difficile, et les Allemands leur opposent une résistance acharnée, (...) mais nous n'avons cessé de les refouler peu à peu et n'avons eu à enregistrer aucun échec. Nos troupes ont dû poursuivre leurs opérations par un temps fort mauvais. Quoi qu'il en soit, les départements de l'Oise et de la Somme sont actuellement débarrassés de toute occupation allemande.
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Aux Armées le 5 avril 1918 Cher père et mère, Enfin il y a un proverbe qui dit après la pluie le beau temps. Hier il faisait un temps déplorable et aujourd'hui tout resplendi en cette saison printanière. La nature est souvent l'objet de ces charmants contrastes. Par cette belle journée de Printemps je suis en train de vous écrire à l'ombre d'un gros marronnier plusieurs fois centenaire, cachant en lui et en sa sérénité les souvenirs les plus anciens. Plus loin, tout à côté est une charmante pelouse parsemée de violettes et de primevères où un vieux jardinier est en train d'y consacrer nos???? les plus empressés. Plus à gauche est une jolie pièce d'eau ou un martin pêcheur est là à faire le guet en vue de quelques petits poissons. Une barque légère qui est là en détresse depuis la guerre me fait penser qu'elle devait être choyé avant la guerre par le personnel du château. Hélas maintenant il n'y a plus d'époque de repos en cette guerre. C'est la lutte sans merci pour terrasser les boches. Parmi les grands arbres , quelques oiseaux gazouillent, heureux de revoir la bonne saison arriver. Quelques pigeons ainsi que quelques corbeaux s'ébattent dans les arbres cherchant l'endroit le plus propre pour faire le nid. La vie charmante de la nature qui est en ce moment violemment troublée par le cataclysme de la guerre et je crois que si on n'entendait plus le canon tonner à ses oreilles, on ne songerait pas longtemps la guerre surtout ceux dont les familles n'auront pas été éprouvées par le terrible fléau. Ici le canon tonne dur en ce moment on sent comme dans l'air une impatience fiévreuse de deux armées qui par tous les moyens cherchent à se faire un trou parmi les obus et les gaz. Ici nous sommes très bien. Nous sommes cantonnés dans un château transformé en ambulance qui a été évacué il y a quelques temps et pour une installation en campagne cela est très chic. Comme il n'y a que quelques maisons, je me balade souvent le plus tranquillement du monde comme si cela était chez nous en compagnie d'un copain de la caserne qui a les mêmes idées que moi. C'est une façon de ne jamais avoir le cafard. Il faut prendre cette vie là en touriste qui est heureux de toutes les excursions qu'il fait. Pour moi je suis très bien rayonnant de santé et je souhaite qu'il en soit de même de vous. Si on bombarderait Rebreuve, vous n'avez qu'à descendre en vitesse à la cave (muni de votre masque) car il ne faut jamais se sauver. C'est en se sauvant que l'on se fait attraper. Si la cave est trop loin, on se couche à plat ventre et on attend le plus tranquillement du monde que tout soit fini. Dans n'importe quel bombardement c'est le masque à prendre en premier. J'ai vu le copain de Locon à qui on a écrit qu'il a été bien bombardé. Votre fils dévoué qui vous embrasse, Albert
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Plus tard Maman me raconta que nous n'avions pas de vêtements de rechange. Elle nous confectionna des chemises en sac de pomme de terre pendant qu'elle lavait notre linge. La nuit, on dormait sur une botte de paille étalée sur le carrelage, je tombais malade, et peut-être que j'avais la chemise en sac sur le dos quand le médecin vint me visiter. Les jours suivants, on reçut un colis de linge que Maman mis à notre taille à Marraine et moi, quant à la fermière, elle me donna tous les jours une tasse de lait jusqu'à ma guérison.
29.
Münster, le 21 juillet 1918 Chers frère et sœur, Ça me semble drôle de ne pas avoir eu de vos nouvelles ces jours-ci, j'ai reçu une lettre d'Augustine hier nous apprenant de trop fâcheuses nouvelles, Angèle étant fort mal. Elle nous disait que ma mère était partie vous retrouver. J'attends de vos nouvelles avec impatience, avec l'espoir qu'elles seront assez bonnes, il faut espérer que vous pourrez la sauver. Pour nous il en est toujours de même, la santé toujours bonne. En ce moment, ce n'est pas le travail qui manque, nous voici au plein moment de la moisson et les jours sont forts longs, aussi on est content quand dimanche arrive pour se reposer une journée. Nous avons reçu la lettre où tu disais avoir envoyé de l'argent pour du tabac, j'espère que nous le recevrons bientôt. Je vois que d'après la tournure que ça prend, vous n'avez pas besoin de nous attendre maintenant, il faut toujours attendre la fin de l'année. Je crois vous avoir déjà tout dit pour aujourd'hui, pour nous les nouvelles sont rares, c'est toujours la même vie, on voudrait toujours être au lendemain pour savoir s'il n'y aura pas du nouveau ; s'il y en a, c'est plutôt pour rallonger que pour raccourcir. Enfin en espérant que tout ira pour le mieux, pour nous comme pour vous, je termine en vous embrassant de loin en espérant de plus près pour cette année. Votre frère, Guillemant Augustin.
30.
Aux armées le 11 novembre 1918 Cher Père et Mère, Aujourd'hui jour inoubliable. Cela serait une grande faute pour moi de ne pas vous écrire. Cette date en effet marque la signature d'un armistice qui est en somme la fin de la guerre. Je ne crois pas que l'Allemagne qui est à bout et que le nouveau gouvernement puisse rétablir la guerre. Hier Guillaume II a abdiqué. Tout cela est bien fait. La guerre est en ce moment terminée. J'en suis heureux car je suis en ce monde et la guerre est terminée. Heureux événement, événement grandiose que l'on ne pense pas se mettre dans la tête. « Guerre finie » quel mot ! Terminé et je suis là. Qui dois-je remercier après avoir vu d'aussi terribles choses que j'ai vues. Et vous de me savoir en ce monde, je comprend votre bonheur qui fait le mien en ce moment. Au moins on sera sûrs de se revoir en ce moment. A 11 heures quand on a su cela, on s'embrassaient. C'étaient des poignées de mains amicales. En somme on était tous des frères. La grande victoire est à nous Votre fils qui vous aime Reçu la lettre de mon père du 7 Nous voulons labourer la terre Et non pas l'arroser de sang Albert
31.
Puis quand le guerre fût finie, nous revinrent dans notre patelin. Maman attendait un enfant.

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Correspondances 1914-1918

credits

released November 11, 2015

Idée originale de Saverio MALIGNO

Réalisation: Samuel DEWASMES

Direction des acteurs: Thomas DEBAENE, Germain MAGNAVAL, Sophie BOUCHEZ

Création musicale: Samuel DEWASMES, Séverine LIS

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Samuel DEWASMES et Séverine LIS Lille, France

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