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Texte lu par Florence MINI
Batterie: Matéo HAPIOT
lyrics
Lille, 20 / 4 / 20
Cher Monsieur le curé,
Le secrétaire du commandant Von Breitenbuck est venu me trouver un matin à l'église, vers 8 heures, me priant ou plutôt m'enjoignant de me rendre à l'usine Beghin, à 9h, pour « consoler un prisonnier ».
J'étais à l'usine, à l'heure. A la vue d'un peloton de nombreux sapons massés dans un coin de la cour, d'officiers et de gendarmes qui s'y promenaient mystérieux, j'eus l'impression que j'étais convoqué pour une exécution.
Je demande au commandant qui arrive où est le prisonnier. « Un moment ! » fut sa réponse. Quelques instants après, il m'invite à monter. J'entre avec lui ; dans le bureau. Un juif du nom de Weil nous suit. Le commandant d'un geste me montre le jeune Victor Lesage : « M. le Curé, me dit- il, voilà votre prisonnier et c'est la mort ! ». Je priele commandant et son acolyte de me laisser avec Victor.
Seul avec lui, je lui demande s'il a compris ce que vient de dire le commandant. « Oui, me répond-il, ils vont me tuer !... M. le curé ; faites venir ma mère avant qu'ils me tuent ».
Confesse-toi d'abord puis j'irai prier le commandant de laisser venir ta mère....
Sa confession entendue, j'expose au commandant le désir de Victor et j'essuie un refus net.
Nous voilà en route pour le lieu de l'exécution. Le peloton nous précède ; quatre gendarmes et un trésorier nous entourent.
Pendant le trajet, le pauvre petit me confie qu'il a en tort de renverser l'allemand qui l'avait frappé, d'un coup d'épaule.
Je le rassure en lui disant que ce qu'il a fait n'est rien, mais qu'eux, les allemands, sont des criminels.
Nous sommes derrière l'usine, près du garage de la locomotive, à cinquante mètres du Bois, on bande les yeux de Victor. Le peloton se met en position de tir. Les officiers s'éloignent. Un sous- officier commande le tir. Victor tombe, frappé de cinq balles.
Honteux de leur crime, les allemands ont hâte d'en finir. Ils veulent enterrer le pauvre enfant dans la forêt. Le cercueil est prêt. Je proteste. M'adressant au commandant, je lui déclare que mon ministère n'est pas terminé, qu'il doit s'achever au cimetière, par un enterrement religieux.
Le commandant veut bien faire droit à mon exigence, à condition que je réponde de l'ordre et que je ne perde pas de temps.
Vers 11h, un gros chariot arrive qui porte le corps de Victor. Je l'ai précédé jusqu'au cimetière, revêtu de l'étole noire. L'inhumation eut lieu devant deux personnes d'Ostricourt qui en furent les seuls témoins.
Le général qui était alors à Wimereux ne s'appelait pas Von Arwin, comme l'on dit les journaux, mais Von Harmin.
J'ai indiqué plus haut les noms du commandant en place et du juge.
Recevez, mon cher curé, le meilleur de mon cordial souvenir.
M. ????
Curé 122 rue d'Arras Lille St Michel
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